Réveiller la mémoire du quartier Brancion/Perichaux

 

Qui se souvient de Georges Brassens attablé Chez Walczak, petit bistrot de la rue Brancion dont le véritable nom est Aux Sportif réunis et dont la porte disparaît presque sous les coupures de journaux et les photos ? Qui garde la mémoire des odeurs et des bruits de sabots qui rythmaient, il y a encore 50 ans, le quotidien de ce sud du XVe entre les Périchaux, la Petite Ceinture et les abattoirs de Vaugirard ?

source : http://www.leparisien.fr/paris-75/paris-75015/le-quartier-des-perichaux-brancion-plonge-dans-son-passe-07-04-2016-5694831.php

 

A partir de samedi et jusqu’au 16 avril, le quartier et ses habitants rouvrent leurs albums souvenirs à l’occasion du Printemps de la mémoire.

Pour « réveiller la mémoire » et préparer cette semaine de restitution, les partenaires ont fait appel aux récits des anciens autant qu’à l’imaginaire des plus jeunes, jusqu’à se projeter dans l’écoquartier envisagé sur la Petite Ceinture. Tout a déjà été décrit, écrit et raconté sur les abattoirs de chevaux de Vaugirard, mais jamais à la petite échelle d’habitants anonymes.

La préparation du Printemps de la mémoire a relevé le défi, avec les petits moyens de ses associations. « Pour vivre bien ensemble sur le même territoire, il faut en connaître l’histoire et permettre à des générations qui se méconnaissent de partager une identité », estime Frédéric Brun, le président d’Entraide à domicile (lire ci-dessous).

Des scènes de rue reconstituées

Ce partage « intergénérationnel » a un autre visage : celui de Thérèse Bichon, coordinatrice de l’ambitieux projet. De ses ateliers avec une cinquantaine d’enfants de deux écoles du quartier est né « Mon quartier, mon histoire en calligramme », véritable collection de dessins et calligrammes sur la vision de leur quartier qu’ont ces enfants nés bien après les abattoirs, bien après la construction de la cité des Périchaux, et même après la création du parc Georges-Brassens ouvert en 1986.

« Je les ai fait également travailler sur le nom de leur rue, sur ce qu’ils voient de leur fenêtre », raconte Thérèse Bichon. Cela a donné 18 « boîtes » de papier et autant de regards d’enfants qui seront exposés à la bibliothèque Vaugirard (13, rue Lecourbe) à partir du 13 avril.

Autres regards, autres générations : la coordinatrice a également mobilisé des artistes de rue sur la Petite Ceinture, des collectionneurs de cartes postales et un spécialiste des plans anciens, qui a trouvé un document datant du XIXe, avant les abattoirs. Un montage photos permet de découvrir « tout ce qui n’existe plus, des scènes de rue et la vie de quartier, autrefois très intense », souligne Thérèse Bichon.

Programme complet sur www.mix-ages.org.

Ces étonnantes figures locales exhumées par les habitants

« Le matin, je voyais les bouchers qui portaient d’énormes quasis (NDLR : morceau du haut de la cuisse) de cheval sur leurs épaules, rue Chauvelot, pour les poser dans les camions frigorifiques », se souvient une octogénaire du boulevard Lefèvre. Elle garde aussi l’image « des crochets S qui tournaient, inlassablement, du plafond des ateliers », et des bouchers en tablier. C’est l’un des récits recueillis depuis un an par… les aides ménagères d’Entr’aide, spécialement formées à cette mission auprès des retraités chez qui elles travaillent.

Comme une boule de neige, cette collection de témoignages a aussi permis d’élargir la galerie de portraits mis en lumière dans le cadre du Printemps de la Mémoire. Comme ce Georges Cochon, « le président des anti-pognon », qui vivait rue de Dantzig.

« Une histoire étonnante », raconte le président d’Entr’aide, qui a découvert le personnage grâce à l’un des récits de retraités. « Un jour, il a accroché une banderole à sa fenêtre et s’est barricadé avec femme et enfants pour refuser son expulsion imminente. Il a lancé la lutte pour le logement social et, pendant 2 ans, il a nargué les mauvais proprios ! » Une exposition et une projection-débat reviendront sur cette figure méconnue, pionnière du droit au logement.

Comme Cochon, le quartier s’est aussi découvert une poétesse : Juliette Darle, ancienne directrice de maternelle, amie d’Aragon et d’Eluard, et dont les poèmes publiés dans les années 1950 furent illustrés par Picasso et Fernand Léger… « C’est aussi grâce à l’un de nos retraités que nous avons redécouvert cette artiste », se réjouit encore Frédéric Brun